
La formation professionnelle constitue un enjeu majeur pour les entreprises françaises, soumises à un cadre réglementaire strict en la matière. Entre obligations de financement, mise en place du plan de développement des compétences et entretiens professionnels, les employeurs doivent jongler avec de nombreuses exigences légales. Cet environnement juridique complexe vise à favoriser l’employabilité des salariés et la compétitivité des organisations. Examinons en détail les principales obligations qui incombent aux entreprises dans le domaine de la formation professionnelle.
Le cadre légal de la formation professionnelle en entreprise
Le système français de formation professionnelle repose sur un socle législatif et réglementaire étoffé, fruit de nombreuses réformes successives. La loi du 5 septembre 2018 « pour la liberté de choisir son avenir professionnel » constitue le texte fondateur le plus récent, ayant profondément modifié l’écosystème de la formation. Elle s’inscrit dans la continuité de textes antérieurs comme la loi du 5 mars 2014 relative à la formation professionnelle.
Ces dispositions légales définissent les obligations des employeurs en matière de formation, avec plusieurs objectifs clés :
- Garantir l’accès à la formation pour tous les salariés
- Adapter les compétences aux évolutions des métiers
- Sécuriser les parcours professionnels
- Favoriser la mobilité et les reconversions
Le Code du travail rassemble l’essentiel des textes applicables, notamment dans sa sixième partie consacrée à la formation professionnelle. Il détaille les obligations de l’employeur, les droits des salariés, ainsi que les dispositifs et financements mobilisables.
Les accords de branche et accords d’entreprise peuvent également préciser ou compléter le cadre légal, en fixant par exemple des objectifs chiffrés de formation ou des publics prioritaires. Les entreprises doivent donc être attentives à l’ensemble de ces sources juridiques pour définir leur politique de formation.
L’obligation de financement de la formation professionnelle
L’une des principales obligations des entreprises en matière de formation concerne son financement. Chaque année, les employeurs doivent s’acquitter d’une contribution unique à la formation professionnelle et à l’alternance (CUFPA), dont le taux varie selon la taille de l’entreprise :
- 0,55% de la masse salariale brute pour les entreprises de moins de 11 salariés
- 1% pour les entreprises de 11 salariés et plus
Cette contribution est collectée par les URSSAF puis reversée à France compétences, l’autorité nationale de financement et de régulation de la formation professionnelle et de l’apprentissage. Elle permet notamment de financer le compte personnel de formation (CPF) des salariés, l’alternance ou encore le conseil en évolution professionnelle.
Au-delà de cette contribution obligatoire, de nombreuses entreprises choisissent d’investir davantage dans la formation de leurs collaborateurs. Cet investissement formation supplémentaire peut prendre diverses formes : achat de formations externes, mise en place de formations internes, abondement du CPF des salariés, etc.
Les dépenses de formation constituent généralement un investissement stratégique pour les entreprises, permettant d’adapter les compétences aux évolutions du marché et de fidéliser les talents. Elles peuvent d’ailleurs bénéficier d’aides financières pour certaines actions de formation, notamment via les OPCO (opérateurs de compétences) de leur branche professionnelle.
L’élaboration du plan de développement des compétences
Autre obligation majeure pour les entreprises : la mise en place d’un plan de développement des compétences. Ce document stratégique, qui remplace l’ancien « plan de formation », recense l’ensemble des actions de formation prévues par l’employeur pour ses salariés.
Le plan de développement des compétences doit répondre à plusieurs exigences :
- Être en adéquation avec la stratégie de l’entreprise
- Prendre en compte les besoins individuels et collectifs des salariés
- Intégrer les obligations légales en matière de formation (sécurité, etc.)
- Prévoir un suivi et une évaluation des actions menées
Son élaboration implique généralement plusieurs étapes :
1. L’analyse des besoins
L’entreprise doit identifier les compétences nécessaires à court et moyen terme, en tenant compte de ses orientations stratégiques, des évolutions technologiques et réglementaires de son secteur, ainsi que des aspirations de ses collaborateurs.
2. La définition des actions de formation
Sur la base de cette analyse, l’employeur détermine les actions prioritaires à mettre en œuvre : formations obligatoires, montée en compétences sur certains postes, accompagnement des mobilités internes, etc.
3. La budgétisation et le calendrier
Le plan doit préciser les moyens alloués à chaque action (budget, durée, modalités pédagogiques) ainsi que leur planification dans le temps.
4. La consultation des représentants du personnel
Dans les entreprises dotées d’un comité social et économique (CSE), celui-ci doit être consulté sur le plan de développement des compétences dans le cadre de la consultation annuelle sur la politique sociale.
Il est à noter que le plan de développement des compétences n’a pas de caractère obligatoire pour les entreprises de moins de 50 salariés. Néanmoins, sa formalisation reste recommandée pour structurer la politique de formation et optimiser les investissements réalisés.
La mise en œuvre des entretiens professionnels
Parmi les obligations récurrentes des employeurs figure l’organisation d’entretiens professionnels avec chaque salarié. Instaurés par la loi du 5 mars 2014, ces entretiens visent à accompagner le salarié dans ses perspectives d’évolution professionnelle et identifier ses besoins de formation.
Concrètement, l’employeur doit :
- Organiser un entretien professionnel tous les deux ans pour chaque salarié
- Proposer systématiquement un entretien au retour de certaines absences (congé maternité, arrêt longue maladie, etc.)
- Réaliser un bilan du parcours professionnel tous les six ans
L’entretien bisannuel doit aborder plusieurs points :
- L’évolution professionnelle du salarié, notamment en termes de qualifications et d’emploi
- Les questions relatives à la formation
- Les souhaits d’évolution ou de mobilité exprimés par le salarié
Le bilan à six ans permet quant à lui de vérifier que le salarié a bien bénéficié des entretiens professionnels prévus et d’au moins une action parmi les suivantes :
- Une action de formation
- L’acquisition d’éléments de certification par la formation ou la VAE
- Une progression salariale ou professionnelle
En cas de manquement à ces obligations, l’employeur doit abonder le compte personnel de formation du salarié à hauteur de 3000 euros. Cette sanction financière incite les entreprises à respecter scrupuleusement la tenue des entretiens et le suivi des parcours professionnels.
La mise en œuvre des entretiens professionnels nécessite une organisation rigoureuse : planification des rendez-vous, formation des managers à la conduite d’entretien, formalisation des comptes-rendus, suivi des actions décidées, etc. De nombreuses entreprises s’appuient sur des outils digitaux pour faciliter ce processus et garantir le respect de leurs obligations légales.
Les obligations spécifiques en matière de formation à la sécurité
Au-delà des dispositions générales sur la formation professionnelle, les entreprises sont soumises à des obligations particulières en matière de formation à la sécurité. Ces formations, qui visent à préserver la santé et la sécurité des travailleurs, revêtent un caractère obligatoire et doivent être renouvelées périodiquement.
Parmi les principales formations à la sécurité imposées par la loi, on peut citer :
L’accueil sécurité des nouveaux embauchés
Tout nouvel arrivant dans l’entreprise doit bénéficier d’une formation pratique et appropriée à la sécurité. Cette formation doit porter sur :
- Les conditions de circulation dans l’entreprise
- L’exécution du travail
- La conduite à tenir en cas d’accident ou de sinistre
La formation des membres du CSE
Les représentants du personnel au Comité Social et Économique (CSE) doivent suivre une formation en santé, sécurité et conditions de travail. Sa durée varie selon la taille de l’entreprise : 3 jours dans les entreprises de moins de 300 salariés, 5 jours au-delà.
Les habilitations et autorisations spécifiques
Certains postes ou activités nécessitent des formations obligatoires sanctionnées par une habilitation ou une autorisation :
- Habilitation électrique
- CACES (Certificat d’Aptitude à la Conduite En Sécurité) pour la conduite d’engins
- Formation au travail en hauteur
- Formation des Sauveteurs Secouristes du Travail (SST)
Ces formations doivent être dispensées par des organismes agréés et renouvelées selon une périodicité définie réglementairement.
L’employeur doit veiller à la mise à jour régulière de ces formations et conserver les attestations de formation dans le dossier du salarié. En cas d’accident, l’absence de formation à la sécurité peut être retenue comme une faute inexcusable de l’employeur, avec des conséquences juridiques et financières potentiellement lourdes.
Les enjeux et perspectives de la formation professionnelle en entreprise
Au-delà du strict respect des obligations légales, la formation professionnelle représente un levier stratégique pour les entreprises face aux mutations profondes du monde du travail. Plusieurs tendances se dessinent, redéfinissant les contours de la politique de formation :
La digitalisation des parcours de formation
Le développement du e-learning, des MOOC (Massive Open Online Courses) et autres formats digitaux offre de nouvelles opportunités pour former les collaborateurs de manière plus flexible et personnalisée. Cette tendance s’est accélérée avec la crise sanitaire et le développement du télétravail.
L’émergence de nouvelles compétences
Face à l’automatisation et à l’intelligence artificielle, les entreprises doivent anticiper l’évolution des métiers et former leurs salariés aux compétences de demain : soft skills, compétences numériques, capacité d’adaptation, etc.
La responsabilisation des salariés
Avec des dispositifs comme le Compte Personnel de Formation (CPF), les salariés deviennent acteurs de leur parcours professionnel. Les entreprises doivent donc repenser leur approche pour concilier les aspirations individuelles et les besoins collectifs.
L’évaluation de l’impact des formations
Les entreprises cherchent de plus en plus à mesurer le retour sur investissement de leurs actions de formation, au-delà du simple respect des obligations légales. Cela implique de développer des indicateurs pertinents et des outils de suivi adaptés.
Face à ces enjeux, les entreprises sont amenées à adopter une vision plus stratégique et agile de la formation professionnelle. Cela passe notamment par :
- Une meilleure intégration de la formation dans la gestion prévisionnelle des emplois et des compétences (GPEC)
- Le développement de partenariats avec des organismes de formation innovants
- La mise en place de dispositifs de formation en situation de travail (AFEST)
- L’accompagnement renforcé des managers dans leur rôle de développeur de compétences
En définitive, si les obligations légales en matière de formation professionnelle peuvent parfois être perçues comme contraignantes, elles constituent avant tout un cadre structurant pour accompagner la transformation des entreprises et sécuriser les parcours professionnels des salariés. Les organisations qui sauront s’en saisir comme d’une opportunité plutôt que comme une simple contrainte seront les mieux armées pour relever les défis de demain.